Les derniers jours d’un condamné

Il y a deux jours, grâce à Twitter, j’ai découvert le blog uncondamne.tumblr.com ainsi que le compte twitter qui y est associé, @uncondamne. Derrière ce pseudonyme, on découvre petit à petit un homme de 58 ans, à qui l’on vient d’annoncer qu’il ne lui reste tout au plus qu’une trentaine de jours à vivre. Cet homme, sur les conseils de son fils, et puisqu’il a toujours porté un certain intérêt à l’écriture, décide de rédiger ses derniers jours, un peu sous forme d’un journal intime, et nous livre à chaque « épisode » son ressenti.

Nonchalant, presque blasé de tout ce qui l’entoure, on apprend aujourd’hui, le troisième jour de son récit, qu’il s’est fait porter pâle au boulot et en a même profité pour faire un beau pied de nez à son patron. Cet homme dit être financièrement très à l’aise, parle un peu de sa femme, de ses enfants déjà adultes. Finalement, cet homme pourrait être n’importe qui de notre entourage, il pourrait même romancer un peu sa situation professionnelle, par exemple. Parce que vu le buzz que cela semble créer, il pourrait être vite reconnu : d’environ 500 followers au deuxième jour, il passe au troisième jour à 3457 abonnés (1000 de plus que ce matin d’ailleurs !).

Les avis sur l’expérience semblent bien partagés, et le mien l’est aussi d’ailleurs. Les commentaires sont soit émus, tristes, plein de messages de courage pour cet homme qui, même s’il ne parle pas de sa douleur physique doit tout de même en éprouver ; soit l’on crie au fake, à l’arnaque, à la publicité.

Pour ma part, si cette histoire est bien celle d’un homme qui vit ses derniers jours, tout d’abord je lui tire mon chapeau. Pour avoir vécu auprès d’un de ces « condamnés » de la maladie, une de ses victimes inconnues, ses derniers jours et ses souffrances, alors je sais que décrire ce ressenti doit être bien difficile. Mon condamné à moi ne parlait pas, ne disait pas du tout ce qu’il pensait, jusqu’au bout je me suis demandée s’il était conscient de ce qui lui arrivait, que seulement quelques jours l’éloignaient de la fin. Du coup, j’ai presque envie de remercier cet homme qui rédige chaque jour son ressenti et le livre à la planète entière grâce au web de nous faire partager cela, car tant que l’on ne l’a pas vécu, on ne peut pas imaginer une seule seconde ce que cela doit provoquer, là, au fond des tripes, au fond de l’âme.

Si cela n’est qu’un fake, je ne crierai pas au scandale. Tout simplement pour les mêmes raisons que citées précédemment : est-ce vraiment grave si la personne qui rédige cela est simplement un bon auteur ? En voudrez-vous à l’agence qui aura mis sur place cette belle opération, qui fera certainement prendre conscience aux ignorants que les maladies incurables sont une douleur insupportable, tant pour le corps que pour l’esprit ? Non, et je pense que ce ne serait pas légitime d’ailleurs.

Mais ceci dit, je suis parfois aussi sceptique. Quelques jours seulement après la fin de l’aventure de Léon Vivien, sur Facebook, on a pu aisément remarquer qu’humaniser un personnage fictif, le faire vivre son quotidien au côté du nôtre, est une technique très efficace pour sensibiliser les internautes qui semble pourtant les moins aptes à s’investir. Alors, pourquoi, sur cet exemple là, une agence, une association, ou une marque, n’aurait-elle pas tenté cette aventure sous forme de blog ?

Reste la question de suivre ou non ce nouveau compte Twitter, ce blog parmi tant d’autres. Curiosité macabre ? Empathie ? Lecture prise à la légère ? Peu importe, je pense que quiconque aura suivi cette aventure en sortira changé, et c’est tant mieux.

On verra donc d’ici une trentaine de jours ce qui arrive à cet homme. J’ai envie de dire « j’espère que c’est un fake, et que cette personne n’est pas en train de vivre cela », mais même si ce condamné est fictif, il y en a pendant ce temps des milliers d’autres qui sont bien réels.

 

Kaa’